Coup de Cœur: Metro 2033 et 2034

Metro 2033, suivi de Metro 2034


Par Mike


Auteur : Dmitry Gloukhovsky
Edition : L'Atalante
Genre : Post-Apo
Résumé : 2033. Une guerre a décimé la planète. La surface, inhabitable, est désormais livrée à des monstruosités mutantes. Moscou est une ville abandonnée. Les survivants se sont réfugiés dans les profondeurs du métropolitain, où ils ont tant bien que mal organisé des microsociétés de la pénurie. Dans ce monde réduits à des stations en déliquescence reliées par des tunnels où rôdent les dangers les plus insolites, le jeune Artyom entreprend une mission qui pourrait le conduire à sauver les derniers hommes d'une menace obscure... mais aussi à se découvrir lui_même à travers les rencontres improbables qui l'attendent.





Metro 2033, ça fait parti de ces bouquins à côté desquels il est difficile de passer si l'on s'intéresse un peu à la SF. Dès la couverture, et ce sur la plupart des éditions même non-francophones, une identité visuelle très forte interpelle et donne envie d'en savoir plus. Pour moi, c'est généralement bon signe: marre des premières de couverture interchangeables qui ne dise rien sur le contenu. Si l'artiste n'a pas été inspiré par le contenu du livre, comment voulez-vous qu'un lecteur lambda y trouve son plaisir? Avec la série des Metro, on sait à l'avance que l'on va plongé dans un roman sombre et violent, au sens le plus littéral des termes.

Metro 2033

Où l'arme atomique détruit moins que l'auteur

Le roman s'ouvre sur une scène de campement dans l'un des tunnels issu de la station de métro VDNKh. C'est à cette occasion que l'on découvre les deux personnages principaux de l'histoire. Le premier est Artyom, un jeune homme d'une vingtaine d'année adopté par le chef de la station alors qu'il était enfant. Il partage sa vie entre les factions de garde dans l'obscurité presque  totale des tunnels, et son travail de récolteur de champignons luminescents à la fabrique de thé. Ce jour-là, Hunter, un ami de son oncle leur rend visite afin d'obtenir de l'aide afin d'aller affronter les Noirs, des créatures monstrueuses semblant apparaître comme par magie, surprenant et massacrant les gardes du tunnel nord. Artyom est pris entre l'envie d'action animale de Hunter, qui sollicite son aide, et la peur de son oncle qui a baissé les bras mais semble le plus rationnel. Hanté par le secret qu'il a lui-même permis l'invasion des Noirs en ouvrant plusieurs années plus tôt les portes du jardin botanique menant à la surface, Artyom décide de prendre ses responsabilités en main et d'accepter la mission que Hunter lui a confié: rejoindre la légendaire Polis pour y trouver de l'aide.

Là, si vous avez joué au jeu vidéo, vous avez sans doute en tête une aventure en scaphandre épais du bout d'un canon de kalash de récup', des masques à gaz, et des mutants baveux à chaque coin de tunnel. Et pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître dans un roman situé dans les profondeurs claustrophobes de tunnels de métro où l'obscurité est si épaisse qu'elle semble se repaître du moindre photon, Métro 2033 est tout d'abord un roman de voyage. En absence de moyen de transport en état de marche et dans l'obscurité totale, les distances entre chaque station son devenues presque insurmontables pour le commun des mortels. Parce qu'Artyom vit en bout de ligne, il n'a jamais été plus loin que la station suivante et n'a jamais même entendu parlé de ce qu'il se passe au-delà. Sa quête initiatique lui fera croiser la route de personnages aux idéologies variées et souvent extrêmes qui mettront son esprit et son corps à rude épreuve et l'obligeront à grandir prématurément.

Et le deuxième personnage alors? Ah, oui! Le métro lui-même. Dans la saga des Metro, le métro, c'est le monde. On comprend rapidement qu'il n'y a rien a espérer au-delà. Depuis l'holocauste qui a valu à l'humanité de se réfugier dans les sous-sol, seuls des monstres arpentent les rues, et les rumeurs d'autres survivants ne sont que des légendes auxquelles personne ne croit réellement. Dès lors, l'homme est soumis aux lois du métro dans l'estomac duquel il vit. Le métro, c'est cette créature d'abord créée par l'homme et qui prend un plaisir malsain à jouer avec eux. Il divise par ses distances, détruit le rythme naturel de la vie en occultant la lumière solaire, détruisant le temps, enfermant ses proies entre un passé auquel on ne peut retourner et un futur inatteignable. L'humanité devient malingre, pâle et aveugle, digérée par sa propre création, et elle est vouée à jouer incessamment le pantomime de sa décadence: dans ce petit monde l'orgueil et l'égoïsme de chaque microsociété sont mis en exergue par les distances factices. Le racisme à l'encontre de ses voisins, la lutte pour une idéologie déjà vaincue témoignent de l'étroitesse d'esprit des hommes qui sont incapables de voir plus loin, physiquement et métaphysiquement. Partout se joue le reflet de la dispute opposant Hunter à l'oncle d'Artyom: se débattre en vain en agonisant, ou céder au désespoir.

D'accord, il ne reste plus rien à produire, ni par le corps, ni par l'esprit, mais est-ce que l'on ne pourrait pas faire encore plus pessimiste? Commençons par dire le récit est fait à la première personne à travers la conscience d'Artyom. De ce fait, même lorsqu'il parcourt un tunnel à tâtons en prenant bien soin de ne pas trébucher sur les traverses de la voie ferrée, et alors qu'il n'y a rien à voir rappelons-le, on peut profiter de toute son horreur à découvrir que, par exemple, à cause des variations de largeur des tunnels des jeux de son viennent complètement perturber sa compréhension de l'espace. Sans le regard nous sommes bien peu de choses, mais Gloukhovsky sait particulièrement bien se débarrasser de la description de l'espace et développer toute l'émotion du personnage afin de créer une angoisse palpable.Maintenant, imaginons que le propre personnage dans la tête duquel nous nous trouvons se mette à dérailler? En effet, certains lieux du métro s'en prennent directement à l'esprit de leurs occupants, créant une délectable sensation de confusion lorsque le lecture se retrouve incapable de s'accrocher ni à l'espace, ni au physique, ni à l'esprit, et qu'Artyom, tout homme qu'il est, n'apparaît plus temporairement que comme un véhicule creux: vous êtes à la place du mort, et le métro vous conduit dans les profondeurs observer la fragilité d'une humanité orgueilleuse vaincue, et au bout du voyage, un vertige en ne trouvant en lieu et place du récit qu'un miroir amer.

Conclusion: Déconstruire. C'est ce que fait Gloukhovsky d'un bout à l'autre du roman. Les personnages se voit arracher leurs attributs un à un jusqu'à ne devenir que des caricatures sans but. Ce que l'auteur offre n'est là que pour créer une ironie plus grinçante encore devant un contraste saisissant entre le savoir et l'ignorance, la sagesse et l'animal, le contrôle et l'impuissance. Chaque pas qu'Artyom fait nous revient en mémoire à la fin comme rien de plus que l'écho vint provenant des tunnels qui le rappellent à sa place.

Metro 2034

Où l'on s'attache, et l'on s'empoisonne

 Metro 2034, c'est une autre histoire. On délaisse Artyom, avec lequel on en a fini pour l'instant, et l'on retrouve Hunter, disparu alors qu'il était parti combattre les Noirs et retrouvé mystérieusement à l'autre bout du métro sans avoir la moindre idée de comment il s'est retrouvé là. Métro 2034, c'est également l'histoire de Homère et Alexandra. Homère, c'est un vieil qui collectionne les journaux d'avant le métro comme un archiviste, qui a conduit des trains avant la fin du monde, et qui rêve d'écrire une épopée digne de son pseudonyme. Alexandra, c'est un petit brin de femme qui vivait avec son père, bannis de leurs station d'origine, et qui se retrouve propulsée dans la souffrance dans un voyage terrifiant. Et avec trois héros au lieu d'un, et un univers qui n'est plus à découvrir, Gloukhovsky ne s'en sort pas si mal.

Homère, c'est l'ancien monde. Même son nom se rapporte à quelque chose d'antique, comme si un écart de 20 ans ou des millénaires n'avait rien de différent une fois face à la réalité de la fin du monde. Il a roulé sa bosse dans l'ancien métro, dans le nouveau, a pour ainsi dire vu le monde entier aux yeux des plus jeunes. Conscient de sa vieillesse et de sa fin prochaine, il espère produire une épopée, une histoire qui rendra compte de l'époque trouble dans laquelle il est tombé. Cette quête qu'il s'est fixé, c'est comme une tentative désespérée de l'avant de s'excuser d'avoir conçu ce monde stérile, et de dire "voilà ce que je propose pour la postérité". On dit que la célébrité rend éternelle, et que tant que le savoir reste imprimé, il ne disparaît jamais, mais l'on ne peut s'empêcher de s'apitoyer sur le pauvre homme qui lutte contre sa mort et celle de l'humanité avec des armes émoussées.

Hunter, c'est le nouveau monde. C'est celui qui se débat vivement à corps et à cris, avec ses muscles, ses flingues, et une obstination ridicule. Son corps et son esprit ne sont qu'une cicatrice boursouflée et tannée: il porte les stigmates et ne récupérera jamais. Son seul mode opératoire est le meurtre, son loisir la destruction. Il ne raisonne pas, se moque de la valeur de la vie, et ne fait pas preuve d'abnégation. Il ne voit pas plus loin que l'immédiat et réagit à l'instinct. L'ironie cruelle ici est que, bien qu'ayant le mode de vie le plus dangereux pour l'espèce humaine, il soit le plus apte à survivre en tant qu'individu.

Alexandra, c'est la promesse d'un monde futur. Elle est jeune, jolie, différente des rebuts engendrés dans le métro. Mais ce qui la distingue le plus du reste du métro, c'est sa naïveté et son empathie. Elle cherche ardemment à protéger les autres et à protéger Hunter du démon qui l'habite, comme si elle pouvait guérir le monde. Elle voit le bien chez les autres, mais cela en fait une personne vulnérable aux mauvaises intentions et de ce fait la personne la moins apte à survivre.

Homère choisit comme héros de son histoire Alexandra et Hunter, un espoir ténu et rachitique et un désespoir brutal fait pour durer. Alors que Metro 2033 se terminait sur un monde condamné, Metro 2034 se raccroche à une mince lueur d'espoir dans les ténèbres dévorantes du métro. Avec toujours plus de pessimisme.


Et après?

Metro 2035 est sorti, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de le lire, parce que je savoure d'autres romans, et aussi parce que j'ai lu les deux premiers dans l'édition britannique et qu'il me faut donc commander sur internet plutôt que de me servir avec gourmandise en librairie. Je compte évidemment le lire, et ferait peut-être une chronique dessus quand j'aurais pris assez de recul.
Par Mike


A voir aussi:
  • Futu.re, du même auteur
  • Metro 2033, suivi de Metro: LastLight, jeux vidéos adaptés de l'univers
  • Vers la lumière, d'Andreï Dyakov, même univers

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